Du pain sans peine

Entendre sa voi(e), et attendre sa voi(x)

Femme avec scotch

Maman maman

J’ai longtemps cru qu’aimer c’était avoir mal. Parfois (mais c’est un secret), je le crois toujours.

Lorsque ma mère me frappait, le soir en rentrant du travail, j’avais le sentiment que c’était ainsi. Une gifle ou un coup me rassuraient. C’était comme un métronome, un rituel. Je me souviens que je provoquais. Beaucoup. Je me souviens de ces mots que je prononçais comme à la recherche de la douleur ou de l’objet à lancer sur mon corps. Sauf qu’un soir, mes yeux se remplirent de sang.

En fait de mes yeux, je saignais du front. L’hémoglobine collait mes cils. Je me souviens le regard de A., ma sœur, ses yeux plein de buée et ses lèvres pincées. Je me souviens de mon sourire. Le rouge rayait mon visage. Je souriais comme dans une provocation ultime. Je léchais le sang sur mes lèvres. Je souriais à ma mère qui venait de m’envoyer un pain de plus d’un kilo dans le visage.

Mon sourire était mon lance flamme : « Je suis toujours en vie Maman ». Elle était la femme que j’aimais le plus au monde et chaque soir, elle pulvérisait mon âme. Le lendemain j’irais au collège. Le lendemain je raconterais la chute dans l’escalier au CPE à moustache et aux faux curieux.

Je t’aime, je saigne

J’ai cru jusqu’à presque 36 ans qu’exister c’était avoir mal … qu’aimer c’était souffrir. J’ai construit mon rapport à l’amour comme une une dualité entre masochisme et sadisme. « Si tu me fais mal, c’est sûr que tu m’aimes ». J’ai cru que l’autre devait m’aimer dans ce qu’il pouvait endommager mon moi. J’ai cru que pour être aimée, il fallait davantage aimer l’autre que soi. J’ai cru qu’avoir mal c’était la certitude de l’amour. Alors j’ai fait saigner mon corps, moi aussi. Je l’ai affamé. Je devenais amour. Mes premiers copains ont souffert. Mimétisme ou symétrie ? Je faisais mal. Très mal. C’était comme ça qu’il fallait aimer. Maman m’avait montré. Je n’aimais pas les hommes. J’aimais qu’ils m’aiment. J’aimais qu’ils me trouvent belle et j’aimais leur faire mal. Je me sentais en vie. Aucun mec n’a jamais déconstruit ou compris sauf certains psychiatres aguerris.

Femme sans flamme

J’ai avancé dans une existence hétérosexuelle en construisant un rapport de force avec les hommes. J’ai menti, pleuré, hurlé. Le dimanche je faisais l’amour avec des femmes. Ma mère, elle, était à la messe. Le feu. Je n’avais pas mal et plus envie d’avoir mal. Paradoxalement ce feu ne brulait pas. Il rendait vivante. Avec les femmes je n’avais plus mal sur l’instant. Le souvenir qui devient mimétisme finit par balancer ses relents.

Tu es une femme, je t’aime, tu dois me faire mal.

Parfois la psychologie est ridicule. J’ai aimé ces femmes. Chacune. Dans leur bienveillance, je cherchais leurs coups. Sans coups, je partais. Je suis souvent partie. Toujours. Peu de femmes font mal en fait. Maman était malade et pis Mme Thatcher Renaud en parle mieux.

Peut-on bruler ensemble ?

À 35 ans une grande sportive m’a rappelé ma mère. Je l’ai aimé dans la douleur. J’ai cru en l’absolu. J’ai cru me sentir en sécurité dans sa maltraitance. Elle m’a quittée. Je n’ai rien ressenti. Rien. Son absence ne m’a pas fait plus de mal qu’un pain dans le visage à 12 ans. Elle avait le goût du sang séché sur les lèvres. Elle a été un coup. Rien de plus.

Léontine, elle a dessiné des cœurs sur mes bleus

Après le pain, j’ai cherché l’ostie. Plus léger et sans goût, il disparaît vite sous la langue. L’imperceptible ne pouvait pas faire aussi mal. La légèreté acidule tout. Tellement. J’ai lâché prise. J’ai laissé cette femme m’aimer. J’ai adoré être aimée. J’ai adoré fuir. J’ai adoré ne pas me faire maltraiter. J’ai oublié de l’aimer. J’ai oublié que je pouvais aimer (encore). Je l’ai amené (doucement) vers les chemins des pains. Elle a compris comment j’aimais. Mais avec elle je ne veux plus de pain, plus d’ostie. Je ne veux plus de sang sur mon visage. Je ne veux plus de cils collés. Je veux embrasser les yeux d’une femme. Puissent-ils être les tiens : Léontine.

Au nom des plaines qui emmerdent. Le vent n’y raconte rien. Cette chanson parle du vent et des chemins à soi.

Géraldine

Viento, que viene de la montaña
Viento, tráenos la claridad
Viento, que viene de la montaña
Viento, tráenos la claridad

Viento, que viene del mar
Viento, tráenos la libertad
Viento, que viene del mar
Viento, tráenos la libertad

Géraldine CaRyev.

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