Ne jamais lâcher les cordes
J’avais 19 ans quand j’ai découvert Chan Marshall aka Cat Power. Je l’écoutais sur un vieux poste crépitant, gagné à la fête foraine, le soir dans ma chambre d’étudiante. Elle a accompagné ma fin d’adolescence et ma vie de femme depuis.
Cat Power fait partie de ces chanteuses qui ne m’ont jamais quittée et que j’ai suivies ces années durant.
Près des arbres murmurant avec sa guitare (Speaking for Trees, 2003) ou sur un piano dans une ambiance de Nouvelle Orléans (Wanderer, 2018), elle m’a toujours secouée par ses propositions.
Avec Cat Power, le décor sonore est aussi important que la mélodie elle-même, le tout devant servir une démarche poétique globale. Lorsque j’ai visionné Speaking for Trees à 19 ans, j’ai été vraiment saisie. Dans cette vidéo, Marshall s’émancipe des carcans de la folk pour proposer des sons parfois rugueux qu’il faut écouter des heures pour sentir, enfin, le souffle sur son bras.
Poésie féline pour cordes sensibles
Dans son magnifique article Zoladz (Pitchfork, 2018) évoque ses premiers textes (Moon Pix, 1998).
« When we were teenagers, we wanted to be the sky ».
Chan Marshall, 1998
La journaliste compare les créations de Cat Power sur ce quatrième Album à une élégie soulignant également l’ambivalence de l’artiste entre kitch et modernité.
C’est cela qui interpelle chez elle, cette poésie par couches et un travail artistique qui évolue au fil des albums.
Le dernier album de Marshall est Wanderer, « Vagabonde » en français. Il s’agit d’une nouvelle expérimentation. Un nouveau vagabondage musical qui reste très maîtrisé. Les Inrocks parlent d’un album dépouillé mais personnellement je n’aime pas du tout ce mot. Marshall ne dépouille rien, elle épure.
Un extrait ?
Engagements et sororité
Dans son long format pour Magic, Violaine Schütz qui interviewe la chanteuse, elle y témoigne de ses engagements militants et sa façon de concevoir la création. On y verrait presque des relents d’Hugo :
Car la création est bien l’un des seuls espaces de véritable liberté.
Chan Marshall, 2018
Marshall est engagée socialement contre les inégalités et toutes les formes d’ostracisme. Son profil Instagram et un porte-voix à ses mots de citoyenne américaine quand son piano ou sa guitare donnent corps à des poésies lyriques ou slamées.
Mais chez Cat Power il y aussi un appel à la sororité et au féminisme qui sont plus rugueux encore.
Nous sommes tellement habitués à voir des femmes vendre du dentifrice ou du chocolat dans les publicités que personne n’est choqué de les voir utilisées pour fourguer de la musique. Car, traditionnellement, les femmes ne sont pas rockeuses, elles sont là pour faire des enfants.
Chan Marschall, 1996
Elle cite volontiers les conseils de Patti Smith (Magic, 2018), a prêté sa voix pour lire des lettres de Choplin dans le documentaire d’Amy J.Berg (2016) et reprend Stay de Rhianna sur Wanderer. J’adore.
Me voy, je te laisse ou je te quitte
C’est selon avec Marshall, mais ce qui est certain c’est qu’elle reste comme des vers d’un poème oublié et qui, un matin d’automne surgissent de votre esprit rappelés à la vie par le bruit ou l’odeur des feuilles orangées.
Géraldine CaRyev.
Sources inspirantes
Bauvallet, JD. 1996. [25 ans d’Inrocks hebdo] En septembre 1996, Chan Marshall, l’âme écorchée vive de Cat Power, est révélée par What Would the Community Think. Rencontre à Londres pour une plongée bouleversante dans la vie d’une jeune artiste de 24 ans.
Article collector, Cat Power a 24 ans et se livre écorchée.
https://www.lesinrocks.com/musique/cat-power-en-1996-on-attend-beaucoup-trop-de-moi-173092-17-07-2020/
Brazeilles, S. 2018. 20 ans cette année : “Moon Pix”, l’épisode cauchemardesque de Cat Power. Tsugi.
Un article hyper insctrtuctif sur les débuts de Cat Power et sa poésie hypnotique.
https://www.tsugi.fr/20-ans-cette-annee-moon-pix-lepisode-cauchemardesque-de-cat-power/
Hauer, C. 2016. Cinéma : Janis, un documentaire réalisé par Amy J. Berg. Paris la douce.
Papier sur la réalisation de ce biopic.
https://www.parisladouce.com/2016/01/cinema-janis-un-documentaire-realise.html
Rosemont, S., 2018. Cat Power : une longue dame brune. Rolling Stone.
Bref artile sur Wanderer et ses 6 années de pause.
https://www.rollingstone.fr/cat-power-longue-dame-brune/
Schütz, V. 2018. Magic No #211. Longs Formats, Cat Power : “Les normes doivent être destituées pour être réinventées”
Jolis mots sur Wanderer.
https://www.magicrpm.com/cat-power-les-normes-doivent-etre-destituees-pour-etre-reinventees-wanderer/
Zoladz, L. 2012. Cat Power, Sun. Picthfork
Poésie journalistique et consistante analyse sur l’album Sun (2012).
https://pitchfork.com/reviews/albums/16984-sun/
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